Le Moyen Âge, cet âge d’or !

Ça fait du bien de revenir à des valeurs simples. Assez de cette technologie envahissante qui nous éloigne chaque jour un peu plus de l’essentiel. Renouer avec la nature. Renouer avec la vie. Tout simplement.

En 2020, face à une pandémie, la grande majorité des gouvernements de la planète a su réagir. Démunis de prime abord face à une maladie à la contagion galopante, ils ont eu le bon réflexe : consulter l’avis du corps médical. La réponse était là, simple et limpide. Il fallait adopter des mesures sanitaires d’une évidence criante : se laver les mains et rester chez soi. Le virus ne s’en remettrait pas.

Bien sûr ! C’était pourtant évident. Les solutions de génie sont toujours les plus élémentaires. Elles ne peuvent apparaître aux masses ignorantes qui ont besoin de l’éclairage de leurs dirigeants. Ainsi, ces masses, laissées à leur sort, auraient pu penser que la médecine de leur époque, qui opère des cerveaux, qui greffe des organes, qui n’est pas à la traîne des technologies de pointe, saurait trouver parmi ses professeurs qui en imposent tant par leur formidable savoir, une solution en phase avec sa superbe. Que nenni. Dans leur sagesse, dirigeants et experts nous ont éblouis par leur sens de l’à-propos qui a échappé, il faut bien l’avouer, à la grande majorité. Il fallait savoir retenir les leçons que nous enseignait l’histoire. Ils se sont donc tournés vers cette glorieuse période de la médecine que représente le Moyen Âge. Ils nous ont confinés.

Quelle idée splendide ! Nous en avons pour preuve les fêtes médiévales qui connaissent un vif succès. Ainsi, certains, parmi le peuple grossier, savaient déjà que notre salut se trouvait dans le passé. Ce n’était pas par jeu qu’ils s’habillaient déjà à la mode des châteaux forts et qu’ils buvaient de l’hydromel dans des pots en terre cuite. C’étaient des visionnaires.

Ainsi, bientôt, moi qui, chargée d’amertume et rongée par l’esprit de contradiction, me trouvais prête à déchirer ma carte électorale, à la place, je vais pouvoir me débarrasser de ma carte de groupe sanguin. Car pourquoi nous embarrasser de tant de fioritures ? Le sang est le sang, un point c’est tout. Et il vaut mieux qu’il reste à l’intérieur. En cas de dyscrasie, d’empyème, de phtisie ou de vomique, une bonne saignée et il n’y paraîtra plus.

Oublions les vaccins qui, c’est bien connu, n’auraient jamais eu lieu d’être si Pasteur n’avait pas inventé les microbes. Et cessera par là même l’interminable polémique : pour ou contre les vaccins ? Peu importe à présent.

Oublions les médicaments, l’anesthésie, les analgésiques, toute cette chimie que nous ne contrôlons plus. Rien ne vaut le bon gros coup de masse sur la tête ou l’alcool pour calmer le patient.

Et pourquoi nous arrêter à la médecine ? Le Moyen Âge a tant à nous enseigner ! Cet été, nous ne franchirons pas les frontières pour partir en vacances. Nous n’avons plus confiance dans ces démoniaques oiseaux de fer. En outre, la paysannerie va avoir besoin de nous. Remisons donc tracteurs et moissonneuses-batteuses, rejetons l’essence et les engrais et allons user de la faux chez les agriculteurs qui seront en manque de bras. Le sain travail de la terre saura aérer les esprits de nos jeunes têtes qui ne juraient plus que par leur téléphone portable, instrument de Satan s’il en est.

Ah comme cette perspective est réjouissante ! Et mon esprit épais soudain s’illumine ! Je comprends enfin la stratégie de nos dirigeants. C’est une solution écologique qu’ils ont apporté à cette crise sanitaire. Moi qui critiquais l’impéritie des pouvoirs régaliens, me voici bien attrapée. Ils avaient tout prévu ! Nous qui pensions, car je n’étais pas seule à douter, que nos dirigeants ne se souciaient que d’économie. Ils nous ont bien surpris car, en réalité, leur préoccupation majeure était écologique. Les petits cachottiers… Nous qui pensions que les COP qui se succédaient n’étaient qu’un prétexte à une bonne bouffe et à une belle tranche de rigolade entre amis. Comme nous nous trompions ! Ils nous taisaient tout bonnement leurs véritables intentions. C’est tout. Il est vrai que dès qu’ils nous racontent ce qu’ils font, on critique. Alors, maintenant, ils font tout en cachette. Comme ça, ils peuvent travailler tranquillement. Et quand ils se mettent à bosser, on voit ce que ça donne.

*

— Dis donc ! t’as pas fini d’écrire ?

— Si, si, j’ai presque fini. Je suis en train de peaufiner un éloge à nos monarques. Je crois que ça va leur plaire.

— Eh ben, grouille parce que le chef veut te voir.

— Ah bon ? Tu crois que j’ai fait une bêtise ?

— Non t’inquiète, il a l’air vachement content. Il veut juste te parler de droit de cuissage.

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