Ça y est ! Ça fait un mois qu’on est confinés. Ça commence à faire long pour tout le monde. On a changé de vocabulaire. On adopte les gestes barrière. On reste chez soi pour sauver des vies. On est encore solidaires, bienveillants et responsables mais il faut tout de même commencer à penser à sortir de là. Parce qu’on va sortir un jour, non ? Enfin, je crois…
Moi, j’ai de la chance, je continue à travailler. Je suis traductrice. Ça fait des années qu’on a confiné le traducteur chez lui. Ça coûte trop cher de le faire se déplacer. Il a tous les outils chez lui pour travailler correctement.
Mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Certains se retrouvent désœuvrés. Bien sûr, on vit une crise, qu’on puisse continuer à travailler ou pas, on pourrait essayer d’aider les hôpitaux mais on n’en n’est pas tous capables. Une entreprise qui fabrique des boîtes de conserve ne peut pas changer du jour au lendemain sa chaîne de fabrication pour produire des respirateurs. Moi-même, je suis bien armée pour affronter une crise linguistique mais je suis tout à fait inutile en cas de crise sanitaire. Je m’en tiens là. J’accepte cette situation. Je ne suis pas désorientée, je garde le cap.
Pour ceux qui ont vu leur activité baisser, il est temps de le changer ce cap, de retrouver le nord. Certains n’ont pas attendu un long mois. Agiles, ou pourvus d’un aimant qui les a rapidement réorientés, ils ont tout de suite adapté leurs activités grâce aux applications qui permettent d’organiser des réunions à distance. Vous connaissez Zoom ? Non ? Pas encore ? Moi, je la pratique depuis plus d’un an. Cet outil permet de travailler avec ses collègues du monde entier sans avoir à se déplacer. C’est très utile et ça permet de faire de grandes économies. On peut créer des équipes internationales qui travaillent ensemble sans jamais se rencontrer. C’est aussi très écologique, donc, puisque ça évite les déplacements coûteux en avion. L’équipe d’encadrement, elle, pour mettre en place ses stratégies et prendre ses décisions d’importance continue à se réunir régulièrement et physiquement. On ne peut pas comparer de bêtes réunions de travail avec des meetings décisionnels, bien entendu.
Ainsi, les professeurs d’activité physique et les praticiens de tout bord ont pu s’accommoder assez vite de la situation. Dès la première semaine, j’ai été contactée par une personne pratiquant une médecine alternative avec qui j’avais pris rendez-vous pour la fin du mois de mars. Elle me signifiait que la consultation pouvait tout à fait se dérouler à distance, via Zoom, et que je pouvais également très facilement la régler par carte bleue. De même, je pouvais prendre un cours de yoga, les moyens étaient mis en place. Chouette, la vie continue et des gens bienveillants font en sorte que mon confinement se déroule au mieux.
Pour les entreprises, ce n’était pas si simple. Soit parce que leur activité ne s’y prêtait pas, soit parce que le carcan organisationnel ne leur permettait pas de se retourner si vite. Voici donc un petit panel des mails que j’ai reçus. On m’aide à m’occuper pendant mon confinement, des fois que j’aurais perdu mon boulot et que loin de stresser, je n’avais en tête que de me divertir. À la sortie du tunnel, je devrais peut-être me souvenir d’eux ?
– Le 22 mars, un tour operator spécialisé dans les randonnées m’offre une « parenthèse musicale ». Comme ça, rien que pour moi, pour me distraire. Sympa.
– Le 23 mars, je ne reçois pas un mail mais j’apprends qu’une grande chaîne de distribution de produits culturels met à disposition 500 titres gratuitement. Je ne suis pas adepte des eBooks mais pourquoi pas ?
– Le 29 mars, le même tour operator m’envoie des recettes du monde. Re-sympa.
– Le 31 mars, une société de crédit à laquelle j’ai fait appel en 2018 m’envoie un mail pour me dire que ses collaborateurs restent joignables et qu’elle est « plus que jamais mobilisé[e] durant cette période pour [m’]accompagner au mieux ». Merci, c’est gentil. Je ne pensais qu’à ça.
– Le 31 mars, le même jour, ma banque m’envoie un mail intitulé « Restez chez vous, on s’occupe de vous », ce qui me rassure presque autant qu’un discours de notre président de la République. Ça commence par « Covid-19 : votre banque s’adapte, on vous dit tout ». Je n’ai pas lu le reste.
– Le 31 mars, encore, c’est le logiciel anti-virus que j’utilise qui m’envoie « Notre engagement envers vous ». Voici le début du courrier « Alors que la pandémie de COVID-19 continue de s’étendre, notre engagement envers vous demeure inchangé : protéger votre vie en ligne. » J’avais cru qu’ils s’attaquaient à présent aux virus physiques. Je me suis dit qu’ils avaient trouvé la solution et qu’ils m’annonçaient la bonne nouvelle. Pas du tout. Ils m’informent qu’ils continuent à faire ce pour quoi on les paie. Merci.
– Le 1er avril, personne n’a envoyé de mail. Ça faisait pas sérieux.
– Le 3 avril, c’est le fournisseur de gaz qui m’écrit. Ses équipes restent mobilisées. Ouf !
– Le 5 avril, le tour operator m’envoie des films. Il a vraiment peur que je l’oublie, celui-là.
– Le 12 avril, mon préféré ! Je suis contactée par une entreprise française spécialisée dans la distribution de matériel électroménager, électronique et de produits culturels ou plutôt, pas directement par elle, mais par sa « communauté d’entraide ». Elle m’invite à la rejoindre, à venir jouer avec tous mes copains ! Comme ça, si j’ai une panne, avant d’aller embêter le service après-vente qui a d’autres chats à fouetter, je peux contacter un pote un peu bricoleur de la communauté qui va me dépatouiller. C’est simple, gratuit et solidaire. Super !
– Le 16 avril, un autre tour operator me propose des podcasts à écouter, des livres à lire, de quoi m’occuper. Il était temps qu’il se réveille.
Tout cela est très gentil et gratuit. Mais quand est-ce qu’on va pouvoir recommencer à consommer ? Ça y est ! Le mois est passé. Ça fait trop longtemps que je ne vais pas dans les magasins, et je n’achète rien sur le net, alors, on vient me chercher !
– Le 16 avril, un vendeur d’accessoires de sport m’envoie un mail intitulé « de l’outdoor à l’indoor ». Eh oui, pour bouger chez soi, il faut tout de même s’équiper. Pas question de conserver son vieux jogging qui bâille aux genoux.
– Le 16 avril, un vendeur de chaussures m’envoie « Shopping at home ». Sans sortir de chez moi, je peux acheter un modèle de la dernière collection.
Dans ces deux derniers mails, il n’est plus question de virus. Il n’est plus question de ma santé ni de prendre soin de moi. Un cap est franchi.
Petit à petit, tout le monde retrouve le nord. Les boussoles se sont remises au diapason. Le déconfinement se prépare. Nous devrions sortir bientôt, il est temps de songer à renouveler notre garde-robe, sinon, on va tous passer pour des ploucs.